Octobre 2022 - Un étiage prolongé en automne

Sur le mois d'octobre, le cumul de précipitation est de nouveau globalement déficitaire à l'échelle du bassin et marque une forte disparité entre l'amont du bassin, qui présente des cumuls de précipitations dans les normales de saison, et l'aval du bassin qui présente un déficit global important, voire très important localement. L'indice d'humidité des sols découle de ces précipitations et marque donc la même disparité amont-aval, avec un nord de bassin dans les normales de saison et des massifs montagneux présentant de bons indices d'humidité, et un sud du bassin présentant des indices très faibles.

L'hydrologie des eaux de surface prend une tendance stable voire haussière sur octobre. Néanmoins les hydraulicités restent critiques sur la moitié sud du bassin (PACA et Occitanie) où la grande majorité des cours d'eau ont une très faible hydraulicité. Les cours d'eau de la partie amont bassin (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté) présentent des hydraulicités moins critiques mais restent en grande majorité faibles.

Courant octobre, les nappes ont réagi à la hausse sur certains secteurs de la partie amont du bassin avec localement quelques remontées de niveaux piézométriques sur les régions AuRA et BFC. Cependant les précipitations déficitaires sur la partie sud du bassin n'ont pas permis la recharge des nappes sur les secteurs sud de l'axe rhodanien et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. La tendance est même repartie à la baisse des niveaux piézométriques sur la région Occitanie (Aude et Pyrénées-Orientales).

La situation des retenues s'est globalement améliorée dans le nord du bassin notamment sur les secteurs montagneux (Jura, nord-Isère, Drac, Arve), mais n'a pas évolué significativement sur le sud du bassin (PACA et Occitanie) où elle reste préoccupante puisque l'ensemble des retenues d'eau de ce secteur présente des niveaux bas à moyens, inférieurs à la normale.

Le niveau des écoulements n'est pas encore revenu à la normale, notamment sur les petits cours d'eau et les têtes de bassins versants du sud du bassin, notamment en PACA, Occitanie et dans le sud de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec de fortes proportions d'assecs. Seule la partie amont du bassin rhodanien (régions BFC et nord-AuRA) a retrouvé plus de 80 % de ses stations en écoulement visible et des indices ONDE départementaux proches de l'avant étiage, bien que l'hydraulicité des cours d'eau y soit globalement faible. Une vigilance doit être maintenue sur le contrôle des restrictions et le maintien de celles-ci sur les masses d'eau qui n'ont pas encore retrouve leur débit ou leur niveau normal, notamment en ce qui concerne les eaux souterraines.

Les prévisions météorologiques indiquent que pour la quinzaine à venir, les températures devraient rester supérieures aux normales de saison et que des passages pluvieux devraient arroser l'ensemble du bassin. La persistance de ces pluies à venir est stratégique pour la recharge des aquifères souterrains et des retenues. Il convient donc de conserver une gestion prudente des ressources en eaux en prévision de la saison hivernale à venir. En effet, de possibles impacts pourraient se faire sentir sur l'approvisionnement en eau et sur les secteurs économiques (industrie, production d'énergie, etc.) dès le premier trimestre 2023.

 

 

 

1. Pluviométrie

En octobre, les températures sont restées supérieures aux valeurs de saison et le cumul de précipitation est globalement déficitaire mais avec de fortes disparités entre l'amont du bassin dans les normales de saison (Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes), et l'aval du bassin qui présente un déficit de 30 à 80 % (Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie). Ainsi, le cumul de pluies efficaces est faible sur les régions PACA et Occitanie et de la Loire à la plaine de l'Ain, avec un rapport à la normal entre 0 et 25 %. Ailleurs, ce cumul se situe entre 50 et 125 mm, voire entre 150 et 200 mm en Ardèche, en Haute-Savoie, en Haute-Saône et pour le Territoire de Belfort. Les plus forts déficits du mois se retrouve sur la partie aval du bassin, sur l'ensemble de la région PACA et sur les départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales.

Les prévisions météorologiques pour la quinzaine à venir indiquent que les températures vont rester au-dessus des normales de saison sur l'ensemble du bassin et que des passages pluvieux successifs vont apporter des précipitations à l'ensemble du bassin.

Cumul des précipitations efficaces
(octobre 2022)
Comparaison des cumuls de précipitations efficaces
(du 01/09/2022 au 01/11/2022)
Rapport à la normale 1991-2010 du cumul des précipitations efficaces de juin 2022 à octobre 2022

 

2. Débits des cours d'eau

Au 1er novembre, la majorité des cours d'eau du sud du bassin (régions PACA et Occitanie) présentent des hydraulicités inférieures à 0,24 correspondant à une très faible hydraulicité. La majorité des cours d'eau du nord du bassin (régions AuRA et BFC) présentent des hydraulicités comprises entre 0,24 et 0,74 correspondant à une faible hydraulicité.

Sur la partie sud du bassin, les plus basses eaux sont qualifiées de "sèches" à "très sèches". De nombreux cours d'eau sont encore en assec en ce début de mois de novembre et les périodes de retour sont particulièrement élevées (autour de 20 ans) sur les bassins-versants de l'Huveaune (dép. 13 et 83), de l'Argens (dép. 83), de l'Estéron (dep. 06), de l'Aude (dep. 11), voire très élevés (au-delà de 20 ans) sur les bassins-versants de l'Orbieu (dép. 11), de l'Artuby (dép. 04) et du Jabron (dép. 04).

Sur le fleuve Rhône, l'hydraulicité d'octobre 2022 se situe au-dessous de la moyenne interannuelle 1920-2022. Le mois d'octobre 2022 poursuit un évènement d'étiage sévère et de longue durée depuis le printemps. L'hydraulicité de 0,57 à Beaucaire témoigne de cette sévérité.

3. Niveaux des nappes

En octobre, les nappes restent en majorité à des niveaux bas à très bas mais une majorité d'entre elles sont sur une tendance stable ou haussière notamment sur la partie amont du bassin. La remontée des nappes notamment dans le sud du bassin pourrait être très tardive (début 2023), notamment sur l'axe rhodanien et les régions PACA et Occitanie, où la tendance est même repartie à la baisse des niveaux piézométrique dans l'Aude et les Pyrénées-Orientales. Le mois d'octobre qui correspond traditionnellement au début de l'année hydrologique a été particulièrement sec en 2022, et les nappes souterraines et d'accompagnement déjà fortement impactées par la sécheresse estivale ont déjà perdu un mois de remplissage.

4. Remplissage des retenues d'eau

Au 1er novembre, les niveaux des retenues d'eau dans le bassin restent bas, voire moyen, et sont toujours inférieurs à la normale, malgré une tendance stable, voire haussière. Ainsi, le lac de Saint-Point sur le Doubs présente depuis un mois déjà un niveau de remplissage maximum et les retenues du nord des Alpes sur l'Isère, le Drac et l'Arve présentent des niveaux de remplissage supérieurs à la moyenne quinquennale. Dans le sud du bassin, l'ensemble des retenues ont des niveaux bas, voire très bas, et inférieurs à la moyenne décennale, comme la retenue de Serre-Point dans les Hautes-Alpes (59 %), celle de Sainte-Croix dans les Alpes-de-Haute-Provence (37 %), celles du Gard (inférieures à 50 %) mais stables du fait d'une gestion prudente de la part des gestionnaires. Au 10 novembre, l'ensemble des retenues du bassin fournit le débit réservé pour le maintien à l'étiage des milieux. Les niveaux des retenues étant faibles à moyens et très soumis au régime des précipitations, il convient de rester sur un modèle de gestion prudente afin de conserver un potentiel de production hydroélectrique pour la période hivernale.

5. Humidité des sols

Au 1er novembre, l'humidité des sols est dans la normale de saison sur la partie amont du bassin et déficitaire de 30  à 70 % sur la partie aval du bassin (régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie).

Les secteurs du Jura, des Alpes, de l'Oisan et des Cévennes présentent ainsi de bons indices d'humidité des sols (proches de 1). Des déficits maximums sont enregistrés dans les départements de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, du Var et sur le delta du Rhône (dép. 13 et 30), avec des déficits d'humidité des sols compris entre 70 et 100 % et des indices d'humidité approchant 0 %.

6. Situation des milieux aquatiques et de leurs habitats

A l'image des pluies disparates des mois de septembre et d'octobre, l'hydrologie des cours d'eau reste très en deçà des normales de saison notamment dans le sud du bassin (régions PACA et Occitanie) et s'est amélioré dans le nord du bassin (régions BFC et AuRA).

En octobre, l'OFB a conduit des campagnes d'observation ONDE additionnelles sur les départements dont l'indice étant inférieur à 8 à fin septembre, soit moins de 80 % des cours d'eau observés en écoulement visible. Les départements suivants ont mis en place une campagne ONDE à fin octobre :
- la Côte-d'Or en région BFC ;
- l'Ain, la Drôme et l'Isère en région AuRA ;
- les Alpes-de-Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les-Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse en région PACA ;
- le Gard en région Occitanie.

Ainsi, la situation hydrologique est globalement défavorable dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et sur le département de l'Isère, à la fin du mois d'octobre et la légère amélioration de la situation des écoulements intervenue fin septembre n'a pas perduré jusqu'à la fin du mois d'octobre. La situation des écoulements fin octobre y est très dégradée en particulier sur les départements des Alpes-de-Haute-Provence (28 % d'assecs observés), de l'Isère (30 % d'assecs observés), des Bouches-du-Rhône (30 % d'assecs observés), des Alpes-Maritimes (38 % d'assecs observés), de l'Aude et du Vaucluse (40 % d'assecs observés) et du Var (60 % d'assecs observés).

Au regard des résultats de la campagne fin octobre, une nouvelle campagne complémentaire sera réalisée par l'OFB fin novembre pour observer l'évolution des milieux des départements de PACA et Occitanie déjà observés fin octobre.

Sur les régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes, l'ensemble des départements, sauf l'Isère, ont retrouvé plus de 80 % de leur stations d'observation en écoulement libre et un indice ONDE approchant l'avant étiage (entre 8,1 et 10). Il est toutefois à noter que les hydraulicités restent faibles sur une majorité des cours d'eau en écoulement visible.

Seules des précipitations s'inscrivant sur la durée cet automne pourront modérer l'impact à moyen et long terme de la sécheresse de 2022 et devront être suivies d'un hiver pluvieux (pluie et neige) pour que l'étiage 2023 n'ait pas de conséquences irréversibles pour une majorité de milieux aquatique de PACA et d'Occitanie.

 

7. Retour d'expérience sur l'étiage 2022

Le mois d'octobre a vu la réalisation d'un travail collaboratif de retour d'expérience avec tous les services de l'Etat impliqués dans la gestion de la crise sécheresse. La sécheresse 2022 étant historiquement précoce, intense et longue, un retour d'expérience approfondi sur sa gestion s'imposait. L'intention a alors été de proposer des points d'actions à engager dès cet automne.

Afin d'avoir un maximum de retours d'expérience, un questionnaire en ligne a été diffusé aux services de l'Etat et aux établissements publics concernés aux différents niveaux d'organisation du bassin (bassin, régions, départements).

Ce retour d'expérience a été présenté aux préfets du bassin Rhône-Méditerranée le 14 novembre 2022. Onze actions prioritaires à engager ont été retenues au niveau national :
1 - Imposer la remontée de la compétence eau potable au niveau des intercommunalités pour les communes en tension récurrente qui ne l'ont pas transféré ;
2 - Positionner les ARS bassin et région en chefs de file du suivi de la situation eau potable pour leur territoire, avec un suivi sur la base d'indicateurs nationaux harmonisés ;
3 - Lancer un plan national d'adaptation des sites ICPE les plus consommateurs (prélèvements supérieurs à 10 000 m3/an) ;
4 - Améliorer le cadrage national des restrictions type pour certains usages des acteurs à mettre dans le guide national et les intégrer aux ACd/ACi : stations de lavage, compétitions nationales, chantiers BTP, golfs, loisirs aquatiques, abreuvement sur réseau AEP, remplissage/vidange des piscines publiques ;
5 - Renforcer le cadre réglementaire des rejets de CNPE en période d'étiage et de l'évaluation des impacts de ces rejets sur les milieux et inclure systématiquement des exigences sur le soutien des milieux à l'étiage dans le cahier des charges des concessions hydroélectriques ;
6 - Sécuriser des ressources minimales à chaque niveau des services de l'Etat pour assurer le suivi et la gestion de la crise sécheresse de façon réactive et adaptée aux enjeux ;
7 - Simplifier le processus de sanctions administratives pour l'accélérer et être plus réactif (timbre amende) ;
8 - Développer la communication ciblée par les représentants des usagers économiques et non économiques : gestionnaires de réseaux, chambre d'agriculture, chambre de commerce et d'industrie, association d'élus, fédérations sportives ;
9 - Mettre en place une grande campagne nationale de sensibilisation dès le début et tout au long de l'étiage. Cette campagne doit inclure les professionnels (via le réseau des CCI ou des syndicats professionnels) et faire la promotion de l'outil Propluvia ;
10 - Améliorer l'outil Propluvia pour les contributeurs et les usages : application smartphone (Android, iOs), géolocalisation des usagers, alertes (type "push") ;
11 - Mettre en place des dispositifs techniques, tarifaires, ou réglementaires pour limiter les consommations individuelles proportionnellement au niveau de restriction.

D'autres actions à engager seront présentées au niveau local dans les semaines à venir.

 

8. Limitation des usages au 10 novembre 2022

Vingt-et-un départements ont mis en œuvre des mesures d'anticipation aux restrictions des usages de l'eau par la révision des arrêtés cadre interdépartementaux (ACi) et départementaux (ACd) : 

  • 6 sur 7 ACi sont signés. La consultation de l'ACi Siagne (dép. 06 et 83) est terminée. La signature est suspendue à celle de l'arrêté cadre des Alpes-Maritimes et des échanges sur les résultats d'une étude en cours ;
  • 21 sur 27 ACd sont révisés et signés. Les 6 restants sont en cours ou en fin de consultation (dép. 06 et 48), soit en cours d'élaboration ou de révision (dép. 30, 34, 42 et 66) ;
  • Au 10 novembre, face à la situation hydrologique constatée, 20 des 27 préfets de département du bassin ont été amenés à maintenir des mesures de restriction ;
  • Grâce aux précipitations régulières de septembre, de nombreux départements ont pris des mesures d'allègements des restrictions liées à l'usage de l'eau depuis la mi-septembre. Ainsi, au 10 novembre, 7 départements appliquent encore des mesures de restriction des niveaux CRISE sur certains bassins versants de leur territoire (11 départements le 12 octobre).
Restriction spécifiques aux eaux superficielles au 10/11/2022 Restrictions spécifiques aux eaux souterraines au 10/11/2022

Légende des cartes :

 

Publié le 15/12/2022